Jardins d'ombre
Sigurdur Arni Sigurdsson
Jardins d’ombre
L’exposition « Jardins d’ombre » au FRAC Corse à Corte ouvre une lecture claire de l’œuvre de Sigurdur Arni Sigurdsson, artiste islandais familier de la France où il séjourne régulièrement. Formé à la fin des années 1980 à Paris, à l’ENSA de Paris Cergy et à l’institut des hautes études en arts plastiques (1991), mais aussi marqué par l’histoire de l’art islandais, Sigurdur Arni conduit fidèlement une démarche pensive sur l’espace et sa dimension abstraite au travers souvent de la peinture mais aussi du volume, de l’architecture, de la photographie. L’image, si elle est présente dans ses œuvres, est avant tout le moyen de rendre sensible l’expérience évidente et insaisissable de l’espace. Immatériel en lui-même, condition de nos vies et pourtant impalpable, l’espace se révèle pourtant dans des conditions précises : il ne se donne jamais pour lui-même, mais se manifeste clairement entre les choses, entre les corps. Il se signale et particulièrement au travers de ce phénomène inépuisable et proprement naturel : l’ombre.
Aussi, comprendra-t-on mieux l’attachement de Sigurdur Arni au plan du tableau — et du coup, mais de manière non exclusive, à la peinture — en songeant que c’est le plan qui nous permet de saisir l’espace : c’est toujours par sa manière de s’inscrire dans les deux dimensions de la surface que ses trois dimensions se manifestent.
Que l’on songe au mythe antique de la fille du potier Butadès qui, selon Pline, traça le profil de son amoureux en partance, à la Caverne de Platon, mais aussi à l’invention de la cartographie ou encore au dispositif qu’est le cinéma : image et espace ont parti lié, par la projection. La leçon de géométrie quotidienne du soleil le démontre assez et, plus encore quand il se fait rare, l’hiver, en Islande.
Les œuvres de Sigurdur Arni paraissent pourtant loin de toute abstraction philosophique : au contraire l’artiste parvient-il à manifester l’évidence de l’espace avec des moyens des plus simples.
Sa peinture se passe de grands effets. Les couleurs sont en aplats, presque monochromes, les teintes plutôt tempérées, la toile parfois laissée crue. On y trouve des figures tantôt géométriques, cercles, trous, tantôt des formes stylisées, des arbres souvent, des manières de structure d’atome, des silhouettes humaines, quelques objets. Mais la figure n’est sans doute pas l’essentiel, pas plus que ces vides, non. Ce que peint Sigurdur Arni, c’est bien plus la projection de ces formes, leur empreinte, leur ombre, suggérant l’espace parcouru par la lumière. Les œuvres réunies au FRAC Corse retracent différents moments du travail de l’artiste, peintures, installations, photographies, qui poursuivent cette même préoccupation. Les tableaux les plus récents — les derniers ont quelques semaines — rejoignent les photographies prises dans un jardin de Bastia, en 2003, lors d’une résidence. Dans la collection du FRAC, l’installation Modèle de paysage (2) (1995) est la maquette d’un parc aux arbres géométrisés qu’une ampoule éclaire, dessinant des ombres rayonnantes.
Une nature idéale, mais aussi inquiétante, qui ne cache pas sa part d’ombre.
Sigurdur Arni Sigurdsson expose son travail depuis 1988. Il a participé aux Ateliers d’été à Sète en 1990 et depuis à plusieurs expositions au CRAC. Il a fait partie en 1992 des Ateliers de l’ARC au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Son travail est régulièrement exposé en Islande, qu’il a représenté à la biennale de Venise en 1999, aux USA, en Russie, dans les pays du nord de l’Europe.
Il expose aussi en France, à la Galerie Aline Vidal à Paris, à la Galerie Domi Nostrae à Lyon, à la Galerie Iconoscope à Montpellier. Il a séjourné à plusieurs reprises en Corse, et a participé à différentes expositions collectives du FRAC.
Christophe Domino.