Le bel été
Exposition collective
Empruntant à l’atmosphère du récit de Cesare Pavese l’apparence légèreté et le trouble, l’exposition « Le Bel été » fait naître des interrogations, germer des doutes et vivre des découvertes au cœur de la belle saison.
Ecrit en 1940 année où l’Italie, alliée à l’Allemagne déclare la guerre à la France et à l’Angleterre, « Le Bel été » n’aborde pas directement ces circonstances précises. Cependant, les héros de Pavese vivent la période estivale avec une fausse insouciance et une espèce de désinvolture qui veut masquer une inquiétude existentielle. Ils sont dans un malaise qui est celui, pour chacun, d’une quête personnelle d’identité aggravé par un contexte d’incertitude et d’angoisse.
La peinture est au cœur du roman, le prétexte de rencontres, le sujet de réflexions sur la représentation du corps et de la nature tandis que les personnages se révèlent à eux-mêmes et aux autres, libres et créatifs dans leurs comportements et la traduction de leurs sensations. Ils sont entièrement dans le présent ; un temps vécu avec d’autant plus d’acuité qu’il ne se reproduira plus jamais pareil pour aucun d’entre eux. Le bel été n’est pas tranquille. Ginia, l’héroïne, consciente de vivre un moment unique de sa vie, en pressent déjà la nostalgie. L’intensité de ses perceptions et leur nouveauté la surprennent. Elle rencontre deux artistes ; les sombres dessins de l’un l’inquiètent tandis que les toiles vives de l’autre la séduisent. La réalité apparaît à Ginia mêlée à sa découverte de l’art. Elle en arrive à des considérations qui prennent un sens métaphorique dans l’atmosphère suggérée du roman ; comme lorsque marchant dans la rue l’après-midi elle ressent du plaisir à voir de belles couleurs : « …ces couleurs qui, on ne comprenait pas comment mais c’était vrai, venaient du soleil puisque, la nuit, elles n’étaient pas là ».
Tout au long du récit Pavese emmène le lecteur dans des zones contrastées parfois paradoxalement complémentaires : évidence, neutralité des faits et complexité des situations et des psychologies, enchaînements en suspens, choses dites et désirs muets.
Les œuvres rassemblées dans l'exposition ne visent pas à constituer un ensemble homogène mais chacune évoque différemment des sensations qui ont à voir avec l'été : l'ombre et la lumière, le vent et la mer ; un rapport plus aigu avec la nature et parfois un décalage entre une situation et un contexte qui semble unifier les choses et les gens mais peut rendre équivoques ou au moins complexes, certaines rencontres entre le sens et la forme.
Comme dans le livre de Pavese, c'est aussi aux alentours des œuvres ou dans le prolongement de ce qu'elles évoquent que palpite l'énergie, là où la pensée ne se fixe pas précisément mais erre, un peu inquiète mais encore libre.
Anne Alessandri - Curatrice
