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Plan Général

Dominique Degli Esposti

10.01.2000 – 10.02.2000
Corti



Superpositions et transparences

Dominique Degli Esposti, Joséphine
1984

A première vue, tout ne semble pas si complexe ; on pourrait trop rapidement classer Dominique Degli Esposti dans une catégorie de fabricants de belles images. C'est vrai, du reste, cet artiste utilise certains répertoires de signes et certains moyens qui relèvent d'expressions les plus traditionnelles de l'art.

Première confusion pour un public réticent à l'art contemporain et qui se précipite pour retrouver là Ia fantaisie, le savoir-faire et autre sensation confortable. Ce n'est qu'au bout d'un moment que ce public aura un doute quand une espèce de nausée et d'inquiétude le laissera finalement dans la même expectative que ce qu'iI rejette ; pire, puisqu'il se sera trompé.

Dominique Degli Esposti est un autre et lui-même. Son travail illustre et restitue le vertige et les décalages qui font Ia vie et Ia falsification des sensations.

Sur la réalité, il pose le film transparent de l'imaginaire seulement impressionne de personnages irréels rêvés dans un moment de peur. Telles sont les photographies et les mises en scènes, sortes de contes inachevés dont les figures enveloppées, emprisonnées de tissus vaporeux ou lourds, plus ou moins serrés (jusqu'à l'étouffement ou la momification) sont seules et muettes.

Le costume est toujours gênant. II perturbe la nature, il empêtre et magnifie Ia silhouette. En transformant une présence en signe, il digère I’humain, vide l'envers du masque.

Nous sommes en Méditerranée, dans Ia lumière, la montagne et la mer. Paysages hantés par la tragédie, résonnant de grandiloquence et du ricanement de la farce et de Ia parodie.

Les personnages de Dominique Degli Esposti sont parents de ceux de Fellini et de Pasolini. Ils sont nés dans une ambiance sixteen qui faisait une large place aux idées et à l'expression des pop-artistes. A voir certains passages de Brusgiature, on pense à des films courts de Claes Oldenburg ou de Martial Raysse (que-l’artiste n'a jamais vu).

En d'autres endroits de grandes silhouettes sont sorties : d'une mythologie baroquiste étrange et familière comme l'absurde, perdues, égarées, hors d'un contexte qu'on ne leur a pas assigné.

… Cette somptueuse robe jaune au bord de la mer, cette chasseresse de papillons sur des échasses...

Le souvenir est encombrant, n’en demeure que ce qui peut servir de prétexte à la constitution d'allégories sans noms. Figures de ceci ou de cela, Degli se rappelle les amours lus et vécus, l'enfance, Dieu (s'il a été un ange), avoir été cette ombre ou l'avoir vue, avoir été ému par telle couleur, s'être moqué de presque tout.

Et c'est dans ce morcellement des images et des émotions qu'il vit et produit quelque chose à cette ressemblance. Répétitions de romances, cocasseries baroques, exposition de troubles.

II n'y a pas de flous artistiques mais des scènes aussi nettes et précises qu'elles sont supposées.

Dans une déploration des enchantements Dominique Degli Esposti organise la solennité de rites et de « mystères » transgressifs : crucifixion d'une femme, annonciation à un éphèbe rocker, consécration de verres en Pyrex, ascension d'une chaise, apparition d'un hermaphrodite.

La maison de l’artiste est devenue progressivement un laboratoire d'effets spéciaux avec des moyens dérisoires (lampes de poche, fil de fer, pinces à linge) qui transforment et transcendent le quotidien de manière burlesque. Illuminés, les objets usuels révèlent des transparences et des allusions et restent cependant pauvrement emprisonnés dans leur fonction reconnaissable.

Anne Alessandri