Exotismes. Vu d'ici - vu d'ailleurs

Evènement 12.11.2002 Corte Passé

Luis Bunuel
Agnès Accorsi
Elie Cristiani
Simonetta Fadda
Gaël Peltier
Stephen Dean
Marcel Dinahet
Laetitia Carlotti

Le termes Exotisme propagé au XIXème siècle désignait l'intérêt traduit principalement par les artistes pour d'autres formes d'art, d'autres modes explorés de vivre ou de faire.

Dès les découvertes des terres lointaines et la révélation du Nouveau Monde la notion s'était introduite ; elle résultait plus d'une sorte de curiosité que d'une véritable attention. Les autres étaient-ils des humains ? Avant tout ce sont des formes, des couleurs, des matières qui se sont imposées (plumes, soieries, or, nacre, ébène) at aussi, autres éléments possiblement décoratifs : les plantes ; un peu de vivant avec parfois quelques oiseaux.

C'est autrement, au-delà même de la fascination, que les créateurs Eugene Delacroix et Gustave Flaubert ont regardé et compris l'étranger.

Leurs voyages en Orient (1832 Delacroix et 1850 Flaubert) les transpor­tent littéralement. Cette découverte, ce qu'elle leur révèle forme une sorte d'axe, de repère central dans leur œuvre. L'espace et le temps, quels qu’ils soient, se situent définitivement par rapport à l’ailleurs.

Est exotique ce qui se passe, ce qui existe de part et d'autre d'une frontière visible ou invisible entre ici et là. Cette frontière définit la place de celui qui regarde et celle du regardé.

Du point de vue dépend le caractère exotique : ce point de vue qui concerne tous quand le sujet, hors de lui, dépaysé, considère ce qu’il perçoit avec autant d'intérêt que d'oubli de ses marques.

Ce même processus entraine la création.

C'est le point de vue qui fait l’œuvre, celui de l'artiste explorateur toujours conscient de sa situation d'un côté ou de l'autre de l'étrangeté. C'est aussi, à la suite, celui du critique et du spectateur qui perçoivent et situent le projet de l'artiste.

De nos jours l'exotisme, notamment pour les habitants des lieux qui en sont taxés, évoque des notions plutôt confuses et péjoratives. II semble pour certains qu'on ait fait le tour du monde et qu'on en sache tout. Les poncifs, les lieux communs, le prêt à voir et à penser désignent des particularismes frelatés et confortent de faux aventuriers, découvreurs de choses mille fois vues, dans une autosatisfaction nourrie d’une évaluation, avantageuse pour eux, des différences des autres.

Le monde veut se construire pourtant sur des principes universels, mettre en commun les mythologies. Dans ce grand projet de partage, les artistes sont au premier rang pour la construction d’un rapport au monde qui n'efface pas les expériences de chacun. Si elles étaient oubliées, tous les espaces critiques s'en trouveraient confondus et annulés. La dernière DOCUMENTA en a fait la démonstration ; l'attention aux autres, aux proches et aux lointains est fondamentale dans l’art d'aujourd'hui.

Anne ALESSANDRI