Passé

Objets vifs

Exposition collective

27.04.2012 – 06.06.2012
Aiacciu

Claude Closky
Bill Culbert
François Curlet
Alicia Framis
Dan Graham
Annette Messager
Reiner Ruthenbeck
Batoul S'Himi
Patrick Tosani
Jean-Luc Vilmouth

L’objet nous accompagne dans l’art comme dans la vie, puisque c’est (presque) pareil.

Il est la coupe qui présente le fruit dans les natures mortes, le vase qui contient les fleurs coupées ou encore l’ustensile qui dépècera l’animal mort, faisan, lièvre ou tortue : le témoin de la finitude du vivant. Les vanités le montrent précieux, finement traité. Il n’a pas forcément de fonction d’usage mais compte comme stimulant du plaisir de possession par sa beauté, sa préciosité (futile satisfaction) ; on pourrait s’en passer mais on y tient. Au contraire de la nature périssable, l’objet lui n’est pas soumis aux mêmes lois du temps. Dans les portraits, il signale le degré de richesse ou de précarité du sujet ; il éclaire sur sa condition.

Cette valeur de représentation de l’objet les artistes du XXème siècle l’ont revue pour la nier ou lui donner une place et un sens qui ne sont plus symboliques mais clairs et parlants. Ils organisent un face à face. Difficile d’échapper à sa matérialité brutale et dérisoire. Avec la radicalité du ready-made Marcel Duchamps a rendu sa présence à l’objet sans interprétation possible. Picasso l’utilise directement comme ingrédient dans la peinture et la sculpture.

Mais il est tout de même sujet… à réflexion quand sa mise en évidence affirme une critique aigüe qui n’est plus celle d’un comportement humain par rapport à une morale, une idée de la valeur individuelle mais qui est, cette critique, une énonciation, plus large d’un système de signes et de méthodes qui font de la consommation un but en soi, annihilant la pensée.

« L’objet est un acteur » Henri Matisse*

Reiner Ruthenbeck, L’arche de Noé
1989
Batoul S'Himi, Monde sous pression I
2008

« Dans le monde qui était le leur il était presque de règle de désirer toujours plus qu’on ne pouvait acquérir ». Georges Perec, Les choses.

Les objets dont on sait qu’ils sont à la fois reflets de leurs possesseurs et refuges contre l’angoisse de mourir, deviennent plus forts. Indestructibles, reproductibles, ils traversent des siècles, on ne peut même plus s’en débarrasser. Cette nouvelle puissance peut leur conférer plus d’expression. Délibérément elle est ambigüe. Ces choses qui enferment ou réduisent (quand elles pourraient rassurer), les artistes les utilisent, les situant hors contexte dans des rôles qui les rendent actives par des arrangements et dispositifs qui font appel à l’analyse de nos expériences. La fantaisie et l’humour ne sont pas absents de ces mises en scène. Elles réveillent des souvenirs de contes pour enfants ou pour grands (Andersen, Oscar Wilde par exemple) ou de dessins animés qui ont réalisé le rêve de donner une vitalité aux choses, de leur prêter tendresse et cruauté. Tentative pleine d’autodérision : comme si on pouvait en transposant la difficulté d’être, s’en alléger. L’exposition à l’Espace Diamant invite à rencontrer des propositions d’artistes qui, faisant écho à un vécu concret, en restituent des impressions et les interprètent : reflets du réel et réactions à ce qu’il produit.

Anne Alessandri

* « il faut que l’objet agisse puissamment sur l’imagination, il faut que le sentiment de l’artiste s’exprimant par lui le rende digne d’intérêt : il ne dit que ce qu’on lui fait dire». Henri Matisse, Ecrits et propos sur l’art.